Droit de visite d’un logement loué : que dit la loi pour les bailleurs et les locataires ?
La question du droit de visite d’un logement loué suscite régulièrement des interrogations, notamment lorsque le bien est en cours de relocation ou mis en vente, en particulier durant la période de préavis. Le bailleur peut-il faire visiter librement le logement ? Que se passe-t-il si le locataire refuse ? Voici un tour d’horizon complet des règles applicables en matière de bail d’habitation.

📌 Ce que la loi autorise… et interdit formellement
❌ Ce qui est strictement interdit
Un bailleur ne peut en aucun cas pénétrer dans un logement sans l’accord exprès du locataire, même si celui-ci est absent. Sur le plan pénal, un tel comportement constitue une violation de domicile (C. pén., art. L 226-4), punissable de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
Du point de vue civil, un locataire peut également agir contre son bailleur s’il estime que sa vie privée a été bafouée (C. civ., art. 9). La jurisprudence est constante : faire visiter un logement sans autorisation est une atteinte aux droits du locataire (Cass. 3e civ., 25-2-2004, n° 02-18081).
🔍 Autrement dit : le bailleur ne peut jamais se rendre sur place “quand bon lui semble”, même s’il détient les clés. Toute visite doit se faire avec l’accord du locataire, ou dans le cadre d’un dispositif légal ou contractuel précis.
✅ Ce qui est permis sous conditions
Il n’existe aucun texte légal accordant automatiquement au bailleur un droit de visite pendant le bail. Ce droit doit être prévu contractuellement, via une clause spécifique dans le bail. Cette clause doit être rédigée avec prudence, car si elle est jugée abusive ou imprécise, elle pourrait être écartée par un juge.
💡 Une nuance : la loi permet de prévoir l’accès au logement pour certains travaux (loi du 6-7-1989, art. 7 e). En revanche, ce droit ne s’applique pas directement aux visites pour vente ou relocation.
🔁 Droit de visite pendant le préavis : ce que dit la loi
📜 En théorie
Un bail peut inclure une clause précisant que, pendant le préavis, le locataire devra autoriser des visites en vue d’une vente ou d’une relocation. Toutefois, cette clause doit respecter certaines limites.
Elle ne peut pas imposer une disponibilité totale du locataire : toute clause exigeant que le logement soit accessible plus de deux heures par jour ouvrable est réputée non écrite (loi 1989, art. 4 a). En clair, cela revient à dire qu’un locataire ne peut être contraint d’ouvrir son logement tous les jours à toute heure.
🛠 En pratique
Pour être valide, la clause doit :
• Figurer dans le bail, de préférence dans la rubrique « X » ;
• Définir une plage horaire précise (ex. : deux heures par jour entre 17h et 19h, hors jours fériés) ;
• Prévoir que la visite peut être réalisée par un professionnel mandaté : agent immobilier, diagnostiqueur, etc.
👉 Cette clause peut être activée uniquement pendant le préavis, dans le but légitime de permettre la relocation ou la vente du bien.
🚪 Et si le locataire refuse l’accès au logement ?
❌ L’indemnité prévue au contrat : une fausse bonne idée
Un bailleur ne peut pas inclure dans le bail une clause prévoyant une pénalité financière pour un locataire qui refuserait une visite (Cass. 6-7-1989, art. 4 i). Une telle disposition serait jugée abusive et donc invalide.
⚖️ Le recours au juge
Si le locataire refuse systématiquement les visites prévues, le bailleur peut saisir le juge des contentieux de la protection pour obtenir une décision autorisant les visites, voire une condamnation du locataire.
Il doit pour cela prouver l’existence d’un motif légitime, comme :
• Une vente en cours ou une recherche active de locataire ;
• Une urgence (dégât des eaux, expertise…).
Le juge pourra alors ordonner les visites sous conditions, par exemple en fixant des horaires ou en imposant la présence d’un huissier.
💶 Droit à indemnisation : un recours possible
Le bailleur peut également réclamer des dommages et intérêts si le refus du locataire lui a causé un préjudice financier.
🔍 Exemple jurisprudentiel :
Dans une affaire récente (CA Paris, 23-4-2024, RG 21/13702), un locataire avait refusé les visites malgré un congé-vente délivré par le bailleur. Ce refus avait empêché plusieurs acquéreurs potentiels de visiter le bien. Le juge a estimé que cette attitude constituait une faute et a condamné le locataire à 10 000 € de dommages et intérêts.
Il est donc recommandé, en cas de litige, de constituer un dossier solide (PV de commissaire de justice, attestations, e-mails, etc.) pour démontrer la mauvaise foi ou l’entrave.
Autre décision intéressante (CA Aix-en-Provence, 22-6-2023, RG 22/11948) : en l’absence de clause prévoyant explicitement le droit de visite, un bailleur a obtenu gain de cause en démontrant la mauvaise exécution du contrat par le locataire.
✅ À retenir : les règles du jeu
• ❌ Le bailleur ne peut jamais visiter sans autorisation du locataire.
• ✅ Une clause spécifique dans le bail est nécessaire pour prévoir les visites pendant le préavis.
• ⏰ Cette clause ne peut dépasser deux heures par jour ouvrable.
• ⚖️ En cas de refus injustifié, le bailleur peut saisir le juge ou réclamer une indemnisation.
• 📄 Pour toute revente ou relocation, la clarté du contrat de bail et la bonne foi des parties sont essentielles.